Messe à la grotte

En ce vendredi matin, plutôt humide, sous le regard de Marie et Bernadette, le Père François du Sartel, vicaire général du diocèse de Tours a présidé la messe avec les diocèses de Rennes et de Tours.

Ci dessous, l'homélie

 

19    AOÛT  2011. Messe à la Grotte. 

 

Homélie du P. J.-Marc BOCQUET  (Mt 7, 13s.-27.)

 

 

            Drôle d’endroit, quand même, que cette « Tute à cochons », ce lieu infâme, nauséabond, où l’on abandonnait les déchets, les bêtes mortes, vrai dépotoir de Lourdes.  Ce lieu innommable, devenu par la vertu d’une fille sans importance, un vrai repère de folle espérance…Un signe. Comme Bethléem, une autre grotte puante suant le bétail, souillée du plus infect et du plus repoussant. Par quel mystère, cette grotte est aujourd’hui mise en ordre, lavée, pure de toute saleté, et attire les foules de tous pays ?

 

            J’entends de temps en temps parler de fin du monde. Pour 2012. A l’automne. Personnellement, je n’ai pas pris le soin d’inscrire la date précise sur mon agenda. Mais…Aussi peu crédible que puisse paraître cette « prophétie », elle nous délivre cependant un message qui mérite d’être médité. Beaucoup ont le sentiment que notre Terre est en danger. Que notre civilisation est bâtie sur le sable.

            Du sable : cette passion de l’enrichissement indéfini, dans l’indifférence totale pour ceux qui n’ont pas le minimum vital. Dépenser 100 000 € pour une soirée d’anniversaire, quand les images nous arrivent des enfants d’Erythrée, du Soudan, du Kénya, réduits vivants à l’état de cadavre, c’est indécent.

            Du sable : l’irrespect de la Création, l’épuisement des terres sans souci de l’avenir de nos enfants, la déforestation forcenée pour produire le profit maximum en un minimum de temps, l’abandon incontrôlé des déchets au gré de la Nature. Ces estuaires du Nigéria ravagés, définitivement souillés par l’égoïsme des puissances pétrolières…

            Du sable : l’altération des relations au cœur de nos espaces de vie. L’individualisme forcené qui oublie le simple respect des faibles, perçus comme inutiles, vus comme des charges pour la collectivité. Cet homme de Wasquehal, qu’on a découvert mort depuis 8 mois devant sa télévision. Sans que personne ne se soit préoccupé de sa disparition.

            De quoi dire que la vraie richesse, c’est la relation. Et notre Dieu est RELATION…Exister pour des gens, être considéré, attendu, estimé, déclaré utile. Voilà une richesse bien plus grande que tous les comptes en banque. Qui donc a été le plus heureux : ce vieil homme, abandonné, ignoré même s’il avait une « bonne retraite », ou ces enfants d’Afrique courant le rire aux lèvres, joyeux malgré les pauvretés et les intempéries ? Et au coin de mon propos, tiens, voilà que je retrouve Bernadette…Elle, la voyante, à qui des gens bien intentionnés avaient donné une pièce d’or. A elle dont les parents ne savaient jamais s’ils auraient de quoi donner à manger le lendemain à leurs enfants : « Ca me brûle », dit-elle. Et elle jeta la pièce au milieu de la pièce.

 

            Le roc…

 

Un confrère me racontait récemment sa stupéfaction, à l’occasion des funérailles d’une grand-mère, 89 ans. Elle n’avait rien fait de spécial. Simplement, elle était là, à son quartier. Souriante aux enfants qui passaient, attentive à la naissance d’à côté, à la dame du bout de la rue qu’on avait hospitalisée, prête à tous les petits services quotidiens qu’elle pouvait rendre. 800 personnes à ses funérailles. Combien de vedettes du show-biz ou des sports, qui ont fait la une des mois durant, mobilisé les antennes de TV, ramassé des fortunes et fait la vie dans toutes les stations branchées, se retrouvent au cimetière avec 100 personnes pour les accompagner.

            Qui donc a su bâtir ? Le héros jet set, ou la brave grand’mère, si discrète et serviable ? Qui a eu la vie la plus heureuse ? Et qui le dira, sinon nous ?

 

            Dans ces obscurités, la mission de notre Eglise apparaît plus claire encore. La proximité. Très simple, très attentive à tous, assoiffée de connaître, de parler, d’apprendre, d’établir du lien. Elle fait tout ce qu’il faut, cette mamie, qui, simplement, chaque matin, dit bonjour aux enfants qui vont à l’école. Ou cette famille qui, à l’occasion du Ramadan, donne une lettre de solidarité proposée par la paroisse à une famille voisine musulmane. Vous faites ce qu’il faut, vous les malades qui avez tant le sentiment de ne plus servir à rien, d’être contraints à l’inutilité, en serrant la main de votre soignant, en lui souriant, avec un regard, un petit signe. Je sais des gens en bonne santé à qui vous avez rendu le goût de vivre.

            Histoire vraie…Je me souviens de ce groupe d’enfants au caté : on leur avait proposé d’aller visiter des personnes âgées dans une maison de retraite. Opposition de nombreux parents : « C’est pas beau, ils sont vieux, ils bavent, ça sent mauvais.. » La tute à cochons, Bethléem…Vieille rengaine qui a le cuir dur. Les enfants y sont allés quand même. La visite devait durer ¾ d’heure. Au bout de ce temps, enfants et personnes âgées ne voulaient plus se quitter. Et se promettaient de se revoir, souvent, souvent…

 

            Bâtir sur le roc, c’est poser notre regard sur l’humanité de chacun, son désir d’estime, de relation, de respect. Comme nous…Comme ces militants du Secours Catholique qui, du côté de Calais, persistent à considérer les réfugiés comme des êtres humains, non comme des nuisances ou des objets jetables.

            Oser…N’hésitons pas. Pas à faire des exploits, à nous rendre célèbres. Mais oser comme Bernadette. Elle a bravé : l’opinion publique : une folle, une miséreuse, une « merdeuse ». Que n’a-t-on dit sur elle ! Bravé sa famille, apeurée, insultée, si soucieuse qu’on ne parle pas d’elle. Bravé les autorités, le commissaire Jacomet, le procureur, le maire Lacadé, qui se voyait déjà transformer la source en station thermale. Une fille minuscule…Elle a osé…Alors nous ? Ne pourrions-nous pas oser un tout petit peu, pas plus que nous ne le pouvons ? Un bonjour, un sourire, un partage, un geste d’estime. Risquer un peu de temps, d’énergie, de compétence donnée à une association, une organisation.

           

            Tiens, une remarque un peu curieuse. On ne sait pas grand’chose de ce qu’a dit Marie à Bernadette. Au moins 2 phrases quand même, parmi les quelques-unes qu’a confiées Bernadette. Toutes deux commencent par… « Allez ».

            « Allez boire à la fontaine ». Et quelle « fontaine », un trou de boue malodorante ! Fallait oser…

            « Allez dire aux prêtres qu’on vienne ici en procession et qu’on y bâtisse une chapelle ». « Et tu as les sous ? » avait demandé le curé, l’abbé Peyramale. Allez, n’ayez pas peur. Ca me rappelle ce phénomène de Sœur Emmanuelle, qui émaillait ses phrases d’un joyeux « Yallah ! » : Allons, en avant !

 

                        Alors, on y va ? Je crois bien que ça fera plaisir à la Vierge, qu’on l’ait comprise…

 

                                                                                  J.-Marc BOCQUET

Article publié par communication Service • Publié le Vendredi 19 août 2011 • 3865 visites

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